Je patiente à la clinique vétérinaire, Claude, la gueule en biais, tremble comme un Womanizer sur la table froide du doc qui l’ausculte.
Orso, lui, tranche l’air d’aigus ballon ballooooon hurlés en essayant d’échapper à l’étreinte ferme que je lui impose pour ne pas qu’il aille jouer avec les balles pour chiens sur le présentoir et les seringues dans la poubelle. Le doc puise dans tout ce qu’il lui a été transmis de politesse et de patience pour ne pas montrer son agacement. Mes cheveux gouttent de ne pas avoir eu le temps d’être séchés - cloc cloc - sur ma chemise qui deviendra bientôt assez transparente pour que ce gros chien me mate. Le Patou dans la salle d’attente. J’écoute d’une oreille apeurée le verdict tomber : elle a la mâchoire brisée. Et l’envie soudaine de faire euthanasier Thug pour avoir eu l’idée brillante de jouer avec Claude comme si c’était une balle dans une chaussette. Elle couine, Orso braille, tiens et si je me plantais cette paire de ciseaux chirurgicaux dans la jugulaire. Je perçois assez mal ce qu’essaie de me dire le docteur dont l’élocution à trois de tension et les explications sans chute et chuchotantes rendent le moment plus insoutenable encore, j’ai deux options ;
1. La jouer passive agressive pour le sommer de bien vouloir arrêter de parler comme le père Fouras,
2. Dégainer mon portable et lancer un bon vieux Trotro pour tenter de canaliser l’héritier diabolique le temps nécessaire à notre survie commune. La drogue agit en moins d’une seconde et le bambin tétine en bouche regarde sans moufter l’âne con comme une burne qui fait caca dans le pot.
À cet instant précis, je m’auto-juge. Même pas deux ans et je le colle sans vergogne devant un écran pour me faciliter la tache. J’ai honte, un petit peu de vergogne quand même, l’image me désole et j’hésite un instant à me justifier auprès du grand dadais qui s’affaire à couper les griffes de Claude tout en poursuivant de m’expliquer quelque chose qui m’intéresse au moins autant que la durée de vie moyenne d’un paillasson en fibre de coco. Et puis, je décide de me taire et d’assumer. Parce que sur les conseils de ma psy qui ne dit pas que des conneries (je n’ai pas oublié que je lui dois une lettre) il est important que j’arrête de m’auto-flageller à chaque fois que je considère avoir tordu le cou à mes grands principes éducatifs.
Et c’est un peu l’objet de ma missive du jour.
Si on avouait qu’on a déjà été une mère un peu nulle ?
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