C’est le jour de l’année que j’aime le plus et à la fois celui que j’aime le moins. Que j’aime le plus parce qu’il est la promesse d’une fin donc d’un début. Que j’aime le moins parce qu’il oblige à cocher trop de cases, selon les rituels ancrés, et que je déteste me sentir cadenassée, on le sait.
Ce soir il faudra célébrer, quoi exactement ça personne ne s’est jamais vraiment posé la question, l’année passée si elle valait le coup, l’année prochaine si on y a fondé tous nos espoirs. On mettra nos plus beaux habits et des chandelles sur la table nappée, la bonne nouvelle quand on devient vieux c’est qu’on préfère les diners à huit que les ralliements d’agités à manger des Monster Munch en dansant sur de l’électro commerciale avant de se terminer à la Smirnoff. Mais ce soir, ce petit crew de quadra-quinqua habillé en 100% laine badinera autour d’un bon vin avec du jazz manouche en fond sonore, pas trop fort parce que bébé dort. On parlera réchauffement climatique, vasectomie, Bayrou, prix de l’immobilier et peut-être levrette à la fin du diner si les bulles ont bien fait leur taff. Rien à voir mais j’ouvre la parenthèse, j’ai appris récemment que quand quelqu’un ramène une tarte aux fraises à table c’est une façon discrète de suggérer une partouze. Si c’est la spécialité de votre grand-mère, partez du principe qu’elle n’a pas cette info. Je reviens à mes moutons qui n’en sont pas, fière d’avoir cette année le nouvel an qui me ressemble finalement le plus, être entourée de gens que j’aime assez pour ne pas aller m’enfermer aux toilettes à 23h59 dans l’unique but d’éviter les étreintes protocolaires, bien manger, ne pas finir la soirée à l’aube en errant sur les trottoirs de la ville avec le collant filé et le mascara coulant pour trouver un taxi qui bandera de nous faire payer le prix d’un Paris-NY en business pour faire douze kilomètres en Dacia Sandero.
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