LETTRE À L'ALCOOL

Ma psy, l’alcool, l’alcool, ma psy, l’alcool, plouf-plouf ce sera toi.

Les Murs
5 min ⋅ 27/04/2025

J’avais annoncé une lettre à ma thérapeute dans un précédent papier, parce que les quarante minutes dans sa causeuse affaissée par tous les culs des malheureux ne sont à priori par suffisantes pour que je vide mon sac. Mais cette soirée hier entre filles (qui m’a valu de me réveiller avec le teint de Pierre Palmade et l’haleine d’une poche à gnole) a fait naitre une folle envie ce matin ; celle de te dire que cette fois-ci, c’était la dernière. Bien déterminée à pouvoir forclore manu militari tout espoir de rabibochage entre nous, comme avec un vieux plan cul bien trop toxique pour qu’on songe à l’engagement mais de bonne compagnie en soirée et avec lequel on finit toujours par rentrer. Souvent par ta faute. Avant de se réveiller plus seule à ses côtés que quand on l’est réellement. Mais on le sait, ça n’est pas si simple de retirer la brosse à dents du pot, et l’histoire ne date pas d’hier.

Je me souviens de nos débuts, j’avais quinze ans et je vivais dans un village en Champagne (ce qui a probablement été un accélérateur de particules puisqu’on y sabre des jéroboams au petit déj). La première fois, c’était à une soirée chez l’un de nous, surnommé Papy non à cause de son âge mais pour des raisons dentaires évidentes. On s’y était tous retrouvés, électrisés par ce devoir de communauté de « jeunes du village », là pour foutre le bordel et brûler la vie par les deux bouts. Ce soir-là, boostée à l’égo devant un parterre d’ados qui puent des chaussettes mais que je rêvais de rendre babas, j’ai sifflé une bonne quinzaine de shots de Cointreau et de Baileys avant de sombrer la tête recouverte de vomi dans le gazon du pavillon. Ramenée chez moi comme un sac de gravas sur les épaules de Lad à minuit, joyeux fou de la bande qui avait ma foi eu l’empathie de ne pas me laisser crever dans la rosée et les restes de mon bol gastrique. Une première nuit comme un sceau, pas dans un seau (même si), celui d’une réputation de « bonhomme »* qui m’a valu d’être rapidement considérée par la meute de moustachus prépubères comme une des leurs. Je ne le dis pas en étant fière, je relate. Mais j’étais fière. Une humiliation qui aurait pu me couter un passage au crématorium avant la majorité sexuelle mais qui n’a pas eu l’effet vaccin qu’elle aurait dû. Et même si pendant quelques jours j’ai lâché les « plus jamais » qu’on a déjà tous dit ici, je suis revenue à toi avec la prévisibilité d’une femme amoureuse.

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Les Murs

Par Laura Isaaz Thion

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