Les Murs

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Par Laura Isaaz Thion
4 sept. · 3 mn à lire
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C'ÉTAIT L'ÉTÉ

Je crois que si je réfléchis bien, je peux dire que nous avons réellement eu qu’une seule semaine de vacances. Celle où nous sommes partis tous les deux en amoureux, sans enfants et au soleil.

Tout était orchestré au cordeau, chaque nuit chaque repas, zéro place à la spontanéité et même si ça manque un peu de rock and roll tout ça, j’avoue ne pas être capable du tout de me faire recaler des restaus de plage parce que complets et devoir déjeuner un Daunat au poulet sous antibios sur un banc couvert de fiente.

Programme établi en amont : rien faire, manger, lire et s’aimer.

Je me suis projetée. En robe crochet qui laisse deviner un peu la chair, en short taille haute, en petite jupe qui flotte dans les airs. Je me suis projetée. En maillot une pièce noir sur mon transat, mes lunettes opaques sur le nez, mon chapeau sur la tête et mon bouquin sur les hommes. J’ai les jambes huilées, galbées, bronzées et je sens le monoï même dans les cheveux. Je nage comme une sirène, je ne fais qu’un avec la mer. Et quand j‘en sors, la crinière mouillée qui épouse les épaules et goutte sur ma poitrine gorgée de lait, n’importe quoi, même Halle Berry fait la gueule cette rageuse.

Alors les mois qui ont précédé, j’ai tout mis en œuvre pour être au max pendant la semaine sacrée. J’ai fait trois heures de pilâtes reformer hebdo, sous mon ventre flasque j’ai de ces abdos, j’ai bu chaque jour mes deux litres d’eau, j’ai massé mon gras avec de la crème qui coûte plus cher que les vacances, j’ai pris des compléments solaires et j’ai évité les rassemblements d’êtres humains qui – après avoir célébré comme il se doit les fêtes de Bayonne en se galochant imbibés d’alcool et de miasmes – ont gentiment crée le plus gros cluster depuis 2021. Provoquant une vague de Covid assez puissante pour qu’il soit quasiment impossible de passer au travers. Hantise ultime, être malade pendant ma seule semaine de vacances. J’ai fait mes courses en Drive, j’ai dit non pour les grosses soirées, j’ai ressorti les masques et le gel dans les paumes, j’ai étouffé mes élans sanguinaires quand on m’a fait la bise avec de la morve, de la fièvre et une toux de vieux chat en osant un « je ne suis pas contagieux c’est sur ». Coucou si tu te reconnais mon ami, sans rancune.
Mais j’ai l’adresse de ta mère.

La vie avait vraisemblablement d’autres plans pour moi et s’est bien torchée avec ma projection.

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