ALLER BIEN

Pas plus. J’ai longtemps couru après quelques idéaux statutaires, avoir tout en grand, en cher, en chic, en mieux. Avec cette idée chevillée au corps que dans la vie il faut posséder pour compter.

Les Murs
4 min ⋅ 03/12/2024

Et puis j’ai rapidement fait mes calculs et réalisé deux choses, que marcher avec un Celine au coude ne me rendait pas plus intéressante, juste beaucoup plus stylée que vous, que l’argent fait un peu le bonheur mais pas s’il nous manque le reste, l’essentiel ; aller bien.

Mais bien, bien. Pas celui de façade répondu par courtoisie toutes les fois où les gens font semblant d’en avoir quelque chose à foutre. Le bien inébranlable, celui qui irradie dans chaque cellule du corps, qui parle d’une philosophie quand on s’imagine un état. Le bien qui traduit l’alignement absolu, la sérénité féroce. La tête dans le guidon, en roue arrière sur l’autoroute de ma vie, j’ai finalement peu pris le temps de me poser cette question « est-ce que tu vas bien ? ». Et comme un boomerang qui se serait pris pour un colis UPS, perdu si longtemps qu’on finit par l’oublier quand il arrive, j’ai compris il y a peu que je n’avais surtout pas envie de me confronter à la réponse. Oui je vais bien, techniquement, je vais bien, je suis en bonne santé, j’ai une famille aimante, des amis parfaits, un confort de vie indiscutable, des enfants merveilleux, presque, un mari que j’aime par-dessus tout mais j’ai oublié qu’aller bien c’est autre chose, c’est être soi, sans compromis. Alors longtemps, j’ai répondu que j’allais bien avant même de savoir si c’était vrai. Je me martelais comme une fable - un truc qui se dégueule par cœur sans qu’on en ait forcément saisi le sens – que tout allait bien. Ce qui me rassure, même si ça devrait plutôt nous inquiéter, c’est que j’entends beaucoup de gens autour de moi faire ce constat. Il faut dire aussi qu’il n’est pas toujours simple d’avouer qu’on ne va pas très bien dans une société qui punit par sa morale l’apitoiement des bien nés. Et trainer cette culpabilité en bandoulière qui nous cadenasse dans une apparente bulle de coton, le sourire avec les dents et le « très bien merci » aux « comment tu vas ? ».

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Les Murs

Par Laura Isaaz Thion

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